Le café déborde d’hommes ce matin. Je suis seule. À peine j’étais assise avec l’idée d’écrire que je me suis laissée envahir par la testostérone. Était-ce une histoire d’oestrogènes mensuels? Je n’en sais rien, mais je sais une chose. Je suis célibataire et je ne peux m’empêcher d’observer.
Assise au petit café du coin, je savoure et j’observe. Nous sommes toujours l’élue d’un regard discret. Ce petit sentiment d’être observée, sourire en coin, courtisée en silence m’enivre. Quand je suis la cible, je fige, je perds mes moyens, je vis. Ces échanges de regards complices sont calculés et dosés. On se perds dans la gêne et la concupiscence des sens. Le rythme s’accélère, la température s’ajuste, les fourmillements opèrent. Ce petit « oumpf » qui s’ajoute flatte l’égo. Cet homme était mystérieux, intrigant. Il s’est déplacé à une autre table, stratégiquement va s’en dire, pour mieux m’observer. C’était flatteur.
Costard bleu geai, les cheveux tombants sur le côté. Sa posture est pleine d’assurance. Il résout les énigmes d’un mot croisé. Il est trop loin, mais je peux imaginer l’odeur d’un parfum délicat, mais plein de caractère. Je me permets d’imaginer le bout de ses doigts noircis par le journal et j’ai envie de poser mon nez par-dessus son épaule pour sentir les effluves. Il a terminé son café, abandonnant la suite de son mot croisé, s’est levé et m’a adressé un léger sourire en coin. Avait-il remarqué que sa présence me déstabilisait? Je ne sais pas, mais peu m’importe. Il agrémentait mon matin par sa simple présence.
Il y a cet homme au fond, accompagné de sa femme. Un petit couple qui semble avoir pris de l’âge et de la distance. Il porte des bretelles. Elles semblent avoir comme principale fonction la tenue du pantalon faute de quoi… mais n’empêche que ça a un petit charme. J’ai toujours craqué pour les hommes à bretelles. Peut-être trouverais-je le miens un jour.
Un peu plus loin, sa séduction grisonnante ne me laissait pas indifférente. Son petit look urbain et cette position laissant entrevoir sa cuisse bien en chair. Il s’affaire à ce qui m’apparait être des obligations professionnelles. Un peu low profile, un peu confiant. Son veston décontracté et ses rayures me donnent envie de lui offrir un café, de discuter et d’aller marcher sous les feuilles d’automne. Il y a parfois des gens qui dégagent la sérénité sans efforts.
Il était debout près de moi, dégageant une assurance sans pareille. Il était accompagné d’un homme. Assise au loin, ne pouvant m’empêcher de savourer cette confiance déstabilisante, je me suis lancée. Napkin et bille en mains, je lui ai adressé un compliment accompagné d’un autre café.
Bien que deux de ces hommes avaient une bague d’engagement au doigt, je me suis permise d’observer de loin. Ne pas saisir le moment, c’est brimer ses chances de vivre ces sensations, mais en même temps, demeurer sur sa faim nourrit l’envie. L’envie stimule, éveille à la chasse et appelle au défi. Oser surpasser cette petite boule de gêne active l’adrénaline, mais surtout le pouvoir d’accomplissement et éloigne du regret.